Arrivés sur place, nous louons un carbet, maison de planches et de bambous
ouverts au vent des Caraïbes et aux mille et un chants de coq déréglés qui
s’égosillent nuit et jour. Après quelques jours nous avons l’honneur de recevoir
la visite de trois Indiens Kogis et de leur Mama. Ciccio leur prépare en hâte un
repas – ils arrivent de loin, à pied, et n’ont pas mangé depuis la veille. Nous
apprenons alors le sens du mot « Zigoneshi ». « Nous les Kogis, habitants de la
Sierra Nevada colombienne, nous avons un principe important : Zigoneshi. Ce
mot signifie beaucoup de choses : Je t’aide et tu m’aides, ou bien, je te donne
et tu me donnes. Il parle d’échange et d’entraide. Vous nous aidez et nous vous
aidons. Ensemble, nous devons réapprendre à nourrir un seul chemin, une
seule pensée, pour un avenir commun. »
Lilian et Camille offrent à nos trois visiteurs des coquillages ramassés sur la côte
bretonne. Un précieux cadeau pour des mâcheurs de feuilles de coca ! Nous
mettons ainsi en pratique Zigoneshi en rentrant dans l’échange. Le Mama parle
uniquement kogi, les jeunes un peu espagnol – Ilona traduit habilement, en
tentant de ne pas dénaturer leurs propos. « Que veux-tu ?, me demandent-t-ils
en toute simplicité. Et que nous apportes-tu en échange ? » Ça y est. La
possibilité d’un dialogue est en train d’émerger, ce qui ne veut pas dire que la
Sierra nous accepte. « Nous souhaitons passer quelque temps dans une de vos
communautés et réaliser un film documentaire. »